Les galettes de sarrasin

Plat emblématique de la cuisine bretonne, elles sont appréciées par tous, d’un prix de revient dérisoire (c’était le repas du pauvre initialement) et très simples à faire. Si on sait comment…

La recette que j’utilise a été publiée dans un livre intitulé War ar gegin hag an daol écrit par Soaz an Tieg et publié par les éditions Barr Heol en 1975.

En réalité il y autant de recettes que de cuisiniers, comme souvent pour ces plats du pauvre. Il y a autant de partisans que d’adversaires du sans œufs, du tout sarrasin, du long pétrissage, du repos de la pâte… Je reviendrai sur ces points un peu plus loin.

Mais avant tout il faut que je vous prévienne : faire des galettes peut sembler aussi facile que faire des crêpes, mais il n’en est rien !

D’une part si on ne dispose pas d’un matériel minimal on ne fera jamais de vraies galettes (en tout cas c’est mon expérience d’essais faits en dehors de ma cuisine) et surtout il faut le coup de patte !

Un autre blogueur cuisinier nettement plus illustre que moi raconte qu’il a raté des kg de pâte pendant une semaine avant de réussir. Il faut dire qu’il avait placé la barre haut : il a décidé d’utiliser un bilig (la plaque de fonte) professionnel. Je me contente d’une galettière (ou crêpière selon les fabricants) mais en fonte. Il n’en demeure pas moins que j’ai moi aussi jeté plusieurs tournées de pâte à la poubelle (en réalité ça a fait le bonheur des chats du quartier) à mes débuts. Jusqu’à ce que je trouve le coup de patte. J’ai depuis expliqué à mon fils comment faire et il a réussi du premier coup, alors je me dis que ça vaut la peine d’être partagé.

Ma recette

Je ne peux résister au plaisir de la recopier telle quelle !

Krampouezh Ed-du

  • Un hanter lur bleud ed-du ;

  • Ur c’hartouron bleud gwinizh ;

  • Un hanter litrad laezh ;

  • Daou vi ;

  • Pemp gramm holen ;

Meskañ an daou seurt bleud gant ar viou hag al laezh. Astenn ar bas gant ur banne dour pe sistr ken na vo tanav a-walc’h.

Ledel ar bas gant ar rozell. Lezel da boazhañ div vunuten war bep tu. Lakaat un tamm amann war ar grampouezhenn ha plegañ e pevar gant ar sklisenn.

Gallout a reer lakaat war ar c’hrampouezh viou pe gig-morzed-morc’h.

Sistr da heul.

La traduction

Faite par mes soins, puis ensuite commentée et augmentée. En effet, beaucoup de choses sont non-dites dans cette recette, tellement elles semblent évidentes à un breton.

Les ingrédients

  • Une demi livre de farine de sarrasin

  • Un quarteron (quart de livre) de farine de froment

  • Un demi-litre de lait

  • Deux œufs

  • 5 g de sel

La recette

Mélanger les deux sortes de farines et les œufs avec le lait. Allonger la pâte avec un peu d’eau ou de cidre jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment fluide.

Étaler la pâte avec la raclette. Laisser cuire deux minutes de chaque côté. Mettre un peu de beurre sur la galette et la plier en quatre avec la spatule.

On peut mettre sur les galettes des œufs ou du jambon.

Cidre à volonté.

Mes commentaires

Les quantités ci-dessus sont données pour une douzaine de galettes de 30 cm.

Les ingrédients

Il est plus que probable qu’initialement seuls le sarrasin le sel et l’eau étaient utilisés. Cette version est un peu plus riche.

L’ajout de lait et d’œufs permet d’obtenir une pâte plus liée, qui donnera des galettes moins cassantes et donc plus faciles à faire. Idem pour l’ajout de farine de froment, ce qui permet d’avoir un peu de gluten, le sarrasin n’en contenant pas.

La préparation de la pâte

Les quantités indiquées ci-dessus omettent celle de liquide à ajouter pour obtenir la bonne fluidité. Selon mon expérience, il faut ajouter 0,6 l de liquide, eau ou cidre (ou mélange) pour obtenir la fluidité idéale. On doit obtenir ainsi environ 1,4 l de pâte, soit théoriquement 14 galettes, puisque je met 10 cl de pâte par galette, mais curieusement j’en obtient toujours un peu moins, très certainement à cause de la sédimentation dont je parle plus loin. J’utilise de l’eau et non du cidre, je préfère mettre celui-ci dans mon verre ! Et j’utilise une farine de froment de type 80, je trouve ça meilleur.

Je met tous les ingrédients dans un grand récipient et je mixe avec le mixeur à pied (celui qui me sert à faire la soupe). J’utilise le bol de mon Kenwood comme récipient car il a plusieurs avantages : il est assez profond pour éviter les éclaboussures lorsque je mixe, et pour éviter à la louche de basculer hors du récipient, et son fond arrondi est exactement de la même courbure que la louche de 10 cl que j’utilise pour verser la pâte. Je vérifie avec une maryse que rien n’a collé sur les parois du bol et je redonne un coup de mixeur éventuellement.

Pour apprécier la fluidité de la pâte, en prendre une louchée que l’on reverse dans le bol d’une vingtaine de cm de hauteur, et observer son onctuosité et la façon dont elle pénètre dans celle restée dans le bol.

J’ai lu ici ou là qu’il faut procéder en deux étapes, ne mettre que la moitié du liquide d’abord puis ensuite le reste. Je faisais ainsi au début, j’ajoutais de l’eau ensuite progressivement jusqu’à obtention de la bonne fluidité. Et un jour je me suis amusé à mesurer exactement la quantité d’eau et depuis je met tout d’un seul coup, et je n’ai constaté absolument aucune différence.

On lit aussi parfois qu’il faut laisser reposer la pâte. Je ne l’ai jamais fait, car sinon la farine sédimenterait et il faudrait mélanger à nouveau. Je pense que cela n’a pas vraiment d’importance, sauf peut-être si on ne met que du sarrasin du sel et de l’eau mais je n’ai jamais expérimenté.

Par contre lorsque je lis qu’il faut préparer une pâte épaisse et la pétrir longuement, puis seulement ensuite l’allonger avec le liquide, et qu’en plus il ne faut utiliser que du sarrasin, j’ai peine à comprendre. Le pétrissage a deux fonctions : incorporation d’air dans la pâte, ce qui aide à la levée, et n’a aucun intérêt en occurrence, et le développement et l’orientation des protéines de gluten, afin d’obtenir une pâte bien élastique. Autant cette opération est indispensable pour faire un bon pain, autant elle me semble totalement inutile pour les galettes tout sarrasin, puisqu’il n’y a pas de gluten. J’ai malgré tout essayé un jour et là encore je n’ai vu aucune différence bien qu’il y ait du gluten dans ma recette.

Le matériel

Je l’ai dit plus haut, il faut un ustensile adapté, sinon vous ne ferez pas de galettes mais des crêpes !

Le bilig est très onéreux pour un particulier et très difficile à maîtriser (en réalité c’est le rozell qui pose problème). La galettière en fonte est nettement plus maniable, mais nécessite malgré tout un investissement d’environ 60 à 80 €. Elle ne nécessite pas l’utilisation de raclette pour étaler la pâte mais la spatule reste indispensable. Pour ma part j’aime aussi utiliser une spatule métallique longue (taille identique à la spatule en bois) que je trouve plus efficace pour la première phase de fabrication, à savoir la cuisson des galettes. Pour le garnissage la spatule en bois est mon outil préféré, car il permet de marquer les plis sans casser la galette.

J’ai été contraint un jour de faire mes galettes dans une poêle anti-adhésive, il n’y avait rien d’autre de disponible chez les amis chez qui j’étais. Je ne sais si ça a un rapport mais on ne sentait absolument plus le goût du sarrasin. Depuis j’évite absolument !

La cuisson

Le graissage de la galettière se fait traditionnellement avec une couenne de lard ou du saindoux étalé avec un chiffon. Personnellement j’utilise un papier absorbant imbibé de saindoux, que je manipule avec une pince à glaçons, c’est très pratique.

La pâte étant fluide, il importe de bien la saisir, et donc de disposer d’une galettière bien chaude : la matière grasse doit tout juste commencer à fumer.

Verser alors 10 cl. de pâte avec une louche dans la galettière hors du feu en faisant tourner celle-ci pour répartir la pâte, et en suivant le mouvement avec la main droite qui tient la louche. La pâte doit commencer à prendre immédiatement : l’eau contenue dans la pâte s’évapore très rapidement, ce qui provoque une multitude de minuscules trous caractéristiques de la galette. Le feu doit donc être réglé assez vif pour avoir ce résultat, sinon le risque est grand de rater la galette.

Une fois la pâte étalée on remet la galettière sur le feu et on laisse cuire une à deux minutes. La bonne façon de vérifier la cuisson, hormis la couleur de la galette, est d’observer les bords. Lorsqu’ils commencent à se décoller, sur environ les deux tiers de la circonférence, je tourne avec ma spatule métallique tout autour de la galette pour achever le décollement, puis je glisse délicatement la spatule sous la galette. Tant que ça résiste, ce n’est pas correctement cuit, alors marche arrière toute ! Dès qu’elle glisse sur toute la longueur, je retourne la galette d’un coup de spatule (ce qui demande un peu d’entraînement). Je laisse cuire moins longtemps la seconde face, puisque je la remettrai sur le feu pour le garnissage.

Je pose ensuite mes galettes cuites sur une tôle à pizza émaillée (pour éviter que la galette du dessous ne prenne un fort méchant goût de rouille) recouverte d’un papier cuisson (pour que la galette du dessous ne reste pas collée).

Je redonne un coup de saindoux, je laisse chauffer quelques instants jusqu’à ce que ça recommence à fumer, et c’est parti pour la suivante.

Dernier point important : il faut penser à bien touiller la pâte entre chaque galette, pour éviter la sédimentation, et prendre la pâte au fond du bol. De toutes façons la farine sédimentera même si on remue régulièrement, et la pâte devient trop épaisse. On s’en rend facilement compte au moment où on la verse sur la galettière, la pâte ne s’étale plus aussi bien, et la galette devient plus épaisse. On peut aussi vérifier la consistance visuellement comme expliqué plus haut, en laissant couler une louchée de pâte dans le bol. Dès qu’elle devient trop épaisse il faut ajouter un peu d’eau pour revenir à la fluidité initiale, sinon les galettes seront trop épaisse et surtout risquent de rater tout simplement. Mais si la pâte est trop fluide ça ratera aussi, et on s’en rendra compte dès qu’on verse, ça s’étalera beaucoup trop vite et trop finement. Laisser finir de cuire ne servirait pas à grand-chose, ça risquerait de brûler, et ce serait de toute façon direction la poubelle. Ce problème ne m’est jamais arrivé, je n’ai donc pas l’astuce qui tue pour récupérer la pâte.

Le garnissage

On peut le faire au fur et à mesure mais les convives attendront trop longtemps. Je fais donc mes galettes d’un seul coup à l’avance, puis je les garnis au dernier moment. Pour cette étape le feu est bien entendu moins vif que pour la cuisson, il s’agit essentiellement de réchauffer.

La face à poser sur la galettière est la même qu’en fin de cuisson comme dit précédemment.

On peut inventer toutes sortes de garnitures, mais la galette dite complète comprend jambon, œuf et fromage. L’œuf peut être brouillé ou au plat, dans ce cas on dit miroir. C’est ma préférence, tremper chaque bouchée de galette dans le jaune encore coulant est tout simplement un délice !

Pour les quantités j’utilise une demi tranche de jambon par galette seulement, et je casse l’œuf dessus. Le problème de l’œuf miroir est que le jaune ne doit pas trop cuire, mais le blanc si. Or l’œuf se trouve sur le jambon, qui absorbe une partie de la chaleur. Ma solution est de tirer le blanc en dehors de celui-ci avec la lame d’un couteau. Et pour éviter que le jaune ne suive le mouvement je le maintiens en place avec une moitié de coquille retournée. J’entoure ensuite le jaune de fromage râpé, et je sale et poivre uniquement le jaune.

Lorsque le fromage commence à fondre, je marque un pli avec la spatule en bois, et je plie. Il y a toutes sortes de façons de plier, c’est comme pour les serviettes, chacun sa préférence. Personnellement je plie en carré, en laissant apparaître le jaune au centre.

Maintenant c’est à vous !

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