Qu’on ne se méprenne pas, je ne cautionne absolument pas les actes de terrorisme, mais l’utilisation qui est faite de cet attentat me met profondément mal à l’aise.
J’ai beaucoup de mal à comprendre qu’un attentat perpétré par des terroristes puisse servir à déclencher une stigmatisation d’une communauté religieuse. Cet attentat a été le fait de terroristes, rien d’autre. Et revendiqué comme tel, d’ailleurs.
Alors quand on transforme ça comme ça l’a été, on ne fait qu’une seule chose : le lit de l’extrême-droite ! Et ça permet également à notre gouvernement de promulguer quelques lois sécuritaires, qui seront donc fatalement à terme et une fois détournées de leur objectif avoué, très certainement liberticides. Priver un terroriste de la nationalité française, ça veut dire quoi ? Récupération et démagogie ! Un terroriste se moque de tout ça, il veut tuer pour ses principes et rien d’autre. Surtout qu’on a affaire à des terroristes kamikazes, en plus, alors à quoi servira cette loi ?
Et puis en plus on n’a pas de chance, les kamikazes français on leur a promis du bon pour l’au-delà : du bio !
C’est vraiment navrant, et ça m’amène à me poser la question de qui est à l’origine de ce slogan qui, s’il a été le point commun de toutes ces manifestations spontanées, n’est pourtant pas spontanément né dans l’esprit de tous les participants. Et je me pose la question de sa réelle idéologie sous-jacente.
Pourquoi, pour ne prendre que cet exemple, qui n’est pas jeune mais qui m’a laissé un tel mauvais goût dans la bouche qu’il me revient immanquablement face à chaque manifestation spontanée de ce type. Je veux parler de ce qui s’est passé en 1988 lorsque le film de Martin Scorcese La Dernière Tentation du Christ est sorti sur les écrans et que cela a donné lieu à plusieurs attentats dans des salles de cinéma, qui n’ont fait qu’un seul mort mais plusieurs blessés graves et qui portent certainement encore aujourd’hui les séquelles de leurs blessures. Je n’ai pas vu à l’époque de manifestation spontanée dénonçant ces crimes avec des pancartes portant le slogan Je suis Scorcese, ou, ce qui aurait été plus juste : Je suis Kazantzákis. Les forces de l’ordre ne sont pas descendues armes au poing pour exécuter les coupables, ceux-ci ont simplement été condamné à des peines symboliques de prisons avec sursis et des dommages et intérêts. Et pourtant ils avaient tué ! Pourquoi n’a-t-on pas tapé sur ces intégristes issus de l’église controversée de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ? Parce qu’ils étaient catholiques ? Et pourtant ils avaient tué !
Histoire de Charlie
Tout ce que je vais écrire ci-dessous me fait d’autant plus mal que j’ai été un fan de Charlie, tout d’abord Charlie mensuel, en 1969, qui ne publiait que des bandes dessinées (essentiellement d’origine étrangère, donc introuvables en France, ce qui faisait notre plus grand bonheur). Puis Charlie Hebdo lorsqu’il fut créé un an plus tard pour prendre le relais de Hara-Kiri, interdit pour avoir osé une provocation de trop face à de Gaulle, et qui se présentait lui-même comme un journal bête et méchant. Charlie Hebdo à porté longtemps le flambeau qui lui avait été légué, et ses parutions étaient un mélange décapant de journalisme d’investigation, de satyre, et d’humour (même si parfois le bon goût en était un peu absent, dans la droite ligne de son prédécesseur).
Et puis, en 1992, est arrivé Monsieur Val… Et la ligne éditoriale de l’hebdo a nettement dérivé vers la critique de l’altermondialisme, de l’extrême gauche, et a choisi de taper avec acharnement sur la communauté musulmane, en amalgamant à dessein religion musulmane et intégrisme. Bref ça commençait à trop puer pour que je continue à lire ça… C’est à cette époque que Monsieur Val s’est vu affublé du sobriquet d’Ayatollah de la République, mais je ne sais plus par qui…
La liberté d’expression
Ou plutôt devrait-on dire, pour un hebdomadaire, la liberté d’information.
C’est régulièrement ce qui revient au sujet de cet attentat, mais de quelle liberté s’agit-il en l’occurrence, et comment s’exerce-t-elle ?
Lorsque Charlie Hebdo a décidé de publier les caricatures de Mahomet en février 2006, qu’a-t-il apporté comme information à ses lecteurs ? À part le fait qu’il se donnait le droit de se moquer d’une communauté religieuse, que dis-je, bien pire, qu’il s’autorisait le blasphème suprême à leurs yeux, et ce de façon tout à fait gratuite. Tout à fait ? Pas tant que ça, puisque le tirage de ce numéro est passé de 140 à 400 mille exemplaires…
Je ne suis pas croyant, mais je ne me sens pas le droit de refuser à quiconque le droit de l’être, et d’avoir des convictions en rapport avec ses croyances. D’autre part, le blasphème ne peut pas être considéré comme un délit, dans une république laïque. Mais comme tout le monde je n’aime pas du tout qu’on se moque de moi. Monsieur Val s’est permis, lui, de se moquer de la façon la plus éhontée des musulmans, et pour prouver quoi ?
Être journaliste n’autorise pas le manque de respect, bien au contraire.
Continuons…
En juillet 2008, le dessinateur Siné, collaborateur de l’hebdo, écrit un texte à propos de Jean Sarkozy (hé oui le fils de …) qui est qualifié d’antisémite. Bien que Siné ait malheureusement eu nombre de fois affaire à ce genre d’accusation en l’occurrence il n’est pas condamné par la justice. Mais Monsieur Val le licencie pourtant sur le champ, de façon parfaitement illégale, ce qui vaudra au journal une première condamnation à 40 mille €, portée à 90 mille en appel. Là il n’y a plus de volonté de défendre le droit à l’information, mais simplement le désir de ne pas déplaire à la famille Darty et surtout à Sarko père, dont Monsieur Val est pote…
Quand je pense à la façon dont Monsieur Val pouvait taper sur les hommes politiques de tous bords lorsqu’il faisait partie d’un célèbre duo de chansonniers satyriques, je peux dire qu’il a bien mal vieilli.
Conclusion
Quand mes enfants étaient plus jeunes et qu’ils faisaient une bêtise juste pour le plaisir de prouver qu’ils étaient capables de la faire, que recevaient-ils en retour, à votre avis, une récompense ou une punition ?
Que méritent alors les journalistes de Charlie pour leur comportement, qui non seulement n’est plus un véritable journalisme, qui se doit d’être intègre et honnête, mais tout simplement de la pure provocation basée sur l’appât du gain ?
S’ils veulent à ce point prouver qu’ils ont raison pourquoi ne sautent-ils pas du toit de l’immeuble de leur rédaction, après avoir demandé à l’état français de promulguer une loi interdisant à la pesanteur de se manifester dans le secteur, comme ils demandent à être protégés par les forces de l’ordre après chaque nouvelle provocation ?
Mais non, ils ont tiré à 5 millions d’exemplaires puis à 7 millions. Cynisme ? Quel montant des bénéfices dégagés sera reversé aux familles des victimes ?
Et en plus ils récidivent, et publient à nouveau une caricature dont ils savent qu’elle va faire enrager les terroristes ! Et si cette fois-ci ces derniers décidaient de s’en prendre à la population civile, comme en 1995 lors de l’attentat du métro Saint Michel ? Je travaillais près de cette station à l’époque, et j’aurais parfaitement pu prendre cette ligne, et me retrouver parmi les victimes. Ou un de mes collègues ou de mes proches… Croyez-vous que je brandirais une pancarte encourageant ces journalistes inconscients qui provoquent délibérément la colère de fanatiques sous prétexte de liberté, alors que leur message n’apporte strictement rien ? Et vous, trouverez-vous le courage de brandir une pancarte affirmant Je ne suis plus Charlie ?
Donner délibérément des coups de pied à un chien enragé n’est assurément pas la bonne méthode pour éviter de se faire mordre… Mais il y aura toujours des intégristes du droit de donner des coups de pied à qui on veut pour prétendre le contraire.
Messieurs les journalistes de Charlie Hebdo, vous me faites considérablement charlier !
En guise de PS, pour commencer un lien qui montre que je ne suis pas le seul à penser comme ça, et il émane d’un site plus que respectable et reconnu !
http://blogs.mediapart.fr/blog/andre-kozimor/270115/je-suis-charlie-et-je-ne-suis-pas-charlie